Bérenger Monge fut commandeur des maisons de l'Hôpital d'Aix et de Manosque pendant toute la seconde moitié du XIIIe siècle. Chef respecté de ces deux importantes communautés régulières élargies à la familia, seigneur de l'une des principales villes de Haute-Provence, maître d'ouvrage de deux constructions majeures, lieutenant du prieur de Saint-Gilles, ce dignitaire bénéficia d'un rayonnement dont témoigne le corpus documentaire rassemblé autour de sa personne. Exceptionnel par sa personnalité comme par sa longévité, ce commandeur n'en fut-il pas moins ordinaire dans sa fonction statutaire ? Se pose, en effet, la question de la représentativité, non seulement de cet acteur principal mais encore de toute une galerie de personnages et de statuts auxquels celui-ci s'est trouvé lié : prieurs de Saint-Gilles, bayles de Manosque, experts en droit et en écritures, entourages princiers... De fait, loin de s'enfermer dans un récit de vie linéaire, l'approche par le singulier est susceptible de dévoiler des techniques de gouvernement, des configurations sociales, des stratégies de carrière ou encore des affinités personnelles ou spirituelles. En définitive, la mise en intrigue autour de Bérenger Monge et des différents cercles de son entourage - du lignage à l'institution en passant par les autorités politiques du temps - offre un éclairage inédit sur « une vie de commanderie », c'est-à-dire la cellule de base d'un ordre militaire envisagée comme une institution totale. L'échelle de la vie humaine permet finalement d'articuler le cycle intermédiaire de la génération à des temporalités propres aux différentes mémoires sociales - dont la mémoire des archives appréhendées dans leur dimension processuelle.