Conflit d’un monde soumis toujours à ses plus vieux démons, et de l’aspiration qui nous fonde comme communauté, et de plus en plus sous le risque, le danger, l’urgence.
Ce qui nous fonde comme communauté, malgré la guerre et les démons : le langage, la parole, et comment ils se retournent sur les premiers, en nous énonçant comme communauté.
Depuis bien des siècles se structure ici l’éthique. On peut l’énoncer conceptuellement, c’est la philosophie, on peut se contenter de l’ouvrir en tant que tâche et dépli du langage, c’est la poésie.
Il se trouve que la seconde tâche, si elle perdure, c’est que le concept à un moment cède devant le langage, et ce qu’il ouvre, la nuit qu’il porte, ou la mise en chemin.
Cette intersection avec l’abstrait, et avec l’agir, ce en quoi le monde est régi par le langage – mais le langage à la fois réifié et en permanentes secousses sismiques que sont, notamment, la morale et la justice – a toujours eu son équivalent de sources dans la littérature.
Ici, lisant Laurent Grisel, on a souvent l’impression qu’est réouverte la trappe des grands parleurs du 16ème siècle, et Agrippa d’Aubigné notamment, ses Stances composées dans le temps même de la guerre, l’épée posée sur l’herbe au soir des combats – vous verrez, ce n’est pas une figure de style pour lui faire plaisir.
Cette vieille hauteur revêche du verbe pour qu’il se dresse à égalité de ce qui râpe et heurte dans le monde.
Ce combat, pour rester neuf, ne peut tolérer la chosification des formes. On en appelle à une forme, mais on doit la casser du même coup. Moulage unique. Le dépli qu’inaugure Laurent Grisel, en ce lieu où parlent, dans le monde d’aujourd’hui, le Bourreau et la Justice, avec un homme et une femme, se recomposera en plusieurs pièces, elles-mêmes liées à leur circonstance d’énonciation – ce que Laurent Grisel nomme « une brusque idée de paix ». Le poème (ou projet) global s’intitulant Descartes tira l’épée.
FB
Membre actif du collectif remue.net, on trouvera sur ce site de nombreuses intervention de Laurent Grisel.