C'est par les cris de treize condamnés à mort, poussés à deux
pas de la guillotine coloniale, que le grand reporter Louis Roubaud
commence le récit de son enquête de 1931 : «j'aperçus le dernier
condamné. Lui aussi, d'une voix forte et bien timbrée entonna :
«Viet Nam !...» et la main du légionnaire étouffa son cri». Il force
le lecteur à considérer la colonie à partir d'un nouveau cadre tracé
par ce «Viet Nam !», celui de la revendication d'indépendance des
colonisés de l'Indochine française.
Le texte que nous rééditons ici, et qui fut publié à l'heure du
consensus colonial des «années Vincennes», est à la fois un récit
de voyage, un reportage critique sur la misère de la population et
une enquête sur les mouvements anticoloniaux et leur répression.
Modèle du genre du reportage qui intègre l'urgence du politique à
l'émotion du crime et trouve un équilibre entre pur désir d'informer
et implication du lecteur, Viet Nam porte un potentiel anticolonial
qui aurait pu susciter une salutaire prise de conscience chez ses
nombreux lecteurs.