De quoi est faite la violence urbaine qui surgit de manière récurrente à la périphérie des grandes villes de France? Qui sont vraiment les jeunes qui y participent? Par quel cheminement en viennent-ils à défier l'ordre public, les personnes et les biens?
Pour répondre à ces questions, les auteurs du désormais classique Retour sur la condition ouvrière (Fayard, 1999) ont appliqué leur méthode d'investigation à une émeute.
Une émeute urbaine survient le 12 juillet 2000 à Montbéliard, cette petite ville industrielle de l'Est de la France, le pays de l'empire Peugeot. Cette éruption de violence, à laquelle participent les jeunes de la ZUP, arrive dans un contexte de très forte reprise économique dans le bassin d'emploi: les automobiles Peugeot se vendent alors bien, la filière tout entière tourne à plein régime.
Pour éclairer ce paradoxe apparent (une émeute surgie alors que tous les clignotants passaient au vert), Stéphane Beaud et Michel Pialoux, qui connaissent remarquablement le terrain (ils y auront travaillé au total plus de dix ans), nous invitent à plonger avec eux dans l'épaisseur de l'histoire et à tourner le regard vers le monde du travail, afin de nous faire saisir la complexité du temps vécu (au-delà des statistiques et des images d'Épinal), toucher du doigt ce qu'a été la violence sociale accumulée au temps du chômage et de l'absolue précarité, prendre la mesure de la coupure intervenue entre les habitants des cités (c'est-à-dire les familles d'immigrés) et le reste de la société.
C'est alors que cet événement singulier, l'émeute dans la ZUP de Montbéliard ce 12 juillet 2000, se révèle dans sa validité exemplaire, comme le symptôme même de la destructuration des classes populaires, et plus exactement, comme le produit de la reprolétarisation de leurs fractions les plus dominées.
Où l'on comprend que les politiques sécuritaires qui nous sont aujourd'hui proposées passent à côté de l'essentiel: la fabrique sociale des émeutiers.