« Un humanisme vide de théologie ne peut subsister. » Telle est l'idée qui sous-tend la réflexion de Theodor Haecker dans ce livre. L'humanisme désigne ici la possibilité pour l'homme de parvenir, par la culture, à la plénitude de son humanité. Et sous le nom de théologie, Haecker comprend le rapport de l'homme à un divin qui, parce qu'il est de nature rationnelle, peut s'exprimer dans le Logos. Ce qui fonde l'existence des choses, et la nôtre propre, n'est donc pas un passé obscur, le grouillement d'un chaos insensé, mais un sens vers lequel nous pouvons nous retourner avec gratitude pour élucider le dessein de notre existence. D'où l'importance de la pietas d'Énée aux yeux de Theodor Haecker. Ce qui nous précède dans l'histoire - parents, famille, pays, traditions culturelles ou religieuses - doit être objet de piété. Nous reconnaître redevable à un passé est la condition de toute véritable liberté, de toute authentique fécondité pour l'avenir. A l'heure de la mondialisation, il se pourrait que la vertu de piété soit celle dont nous avons aujourd'hui le plus urgent besoin. Telle est la leçon de Virgile. Puisse ce très grand livre nous aider à l'écouter.
Rémi Brague