«Un jour que je passais en voiture, je l'aperçus au stop là-bas, juste au tournant qui mène à la nationale. Là, nos regards se sont croisés. Il m'a souri comme s'il me reconnaissait. Je n'ai esquissé qu'une timide réponse, mais ce sourire fut un soleil qui éclaira ma matinée. Cette mutuelle reconnaissance de deux silhouettes, chacune portée de par le monde en son élan, valait tous les dieux de la terre, car les dieux, ce sont les autres, naturellement. Œil de Dieu qui toujours anime, décortiqué en tous ces yeux au fil de la journée qui, même à m'ignorer, témoignent de l'existence, y incluant de facto la mienne. Nous restons mortels, mais, de certains de nos instants, naît le merveilleux, d'une impression qui demeure, d'un étirement du regard, d'un à-propos de la parole.
Il marche.»
«Je marche parce que je m'ennuie», dit l'inconnu qui, parcourant rues, routes et chemins, hante ce roman, évoquant à son auteur le célèbre personnage du roman de Dostoïevski, L'Idiot.