Jean-Michel Palmier évoquait ainsi la nature des recherches qu'il effectuait
sur Walter Benjamin : «Je me suis efforcé de lire tous les livres que lui-même
[Benjamin] a lus, de retracer minutieusement son itinéraire philosophique,
politique et esthétique...». Pour un familier des écrits du philosophe allemand,
une telle déclaration laisse tout d'abord perplexe et dubitatif mais il suffit
d'achever la lecture de cet ouvrage pour que s'évanouisse le moindre doute.
Il paraît même hautement vraisemblable que l'auteur ait eu, de surcroît, à
l'époque, une connaissance précise de la totalité des travaux - biographies,
études, articles et commentaires - consacrés à l'oeuvre benjaminienne.
Cette lecture «historique et critique», si elle ne propose pas une
«nouvelle interprétation» ni une synthèse de l'oeuvre, livre néanmoins
les clés qui permettent de décrypter le prétendu hermétisme de Benjamin.
Elle dissipe les malentendus et les clichés du «rabbin marxiste» victime
de ses hésitations, prisonnier de ses contradictions, constamment «assis
entre deux chaises», réduisant en un dilemme insoluble l'alternative entre
le matérialisme historique et la théologie ; surtout, elle comble les lacunes
d'une connaissance fragmentaire, souvent paraphrasique et simplificatrice,
trop fréquemment focalisée sur les mêmes thèmes (l'aura, le flâneur, le
cinéma, la photographie ou les passages parisiens). Mieux encore : le mode
de narration philosophique délibérément adopté par Jean-Michel Palmier
livre, en réalité, bien plus qu'une interprétation nouvelle de Benjamin. En
effet, rien de moins neutre ni d'objectif que cette «lecture» placée sous le
signe de trois allégories majeures : le chiffonnier, l'Ange et le Petit Bossu.
Une hotte, une paire d'ailes, une bosse : trois charges, lourdes du passé, de
promesses non tenues, recélant malgré tout l'espoir d'un sauvetage, d'une
rédemption pour les «vaincus» de l'histoire.
Marc Jimenez