Depuis deux mille ans, les communautés d'une vaste région
montagneuse d'Asie du Sud-Est refusent obstinément leur
intégration à l'État. Zomia : c'est le nom de cette zone d'insoumission
qui n'apparaît sur aucune carte, où les fugitifs
- environ 100 millions de personnes - se sont réfugiés pour
échapper au contrôle des gouvernements des plaines.
Traités comme des «barbares» par les États qui cherchaient à les
soumettre, ces peuples nomades ont mis en place des stratégies de
résistance parfois surprenantes pour échapper à l'État, synonyme
de travail forcé, d'impôt, de conscription. Privilégiant des modèles
politiques d'auto-organisation comme alternative au Léviathan étatique,
certains sont allés jusqu'à choisir d'abandonner l'écriture pour
éviter l'appropriation de leur mémoire et de leur identité.
James C. Scott propose ici une étonnante contre-histoire de la
modernité. Car Zomia met au défi les délimitations géographiques
traditionnelles et les évidences politiques, et pose des questions
essentielles : que signifie la «civilisation» ? Que peut-on apprendre
des peuples qui ont voulu y échapper ? Quelle est la nature des relations
entre États, territoires, populations, frontières ?
L'histoire de la rebelle Zomia nous rappelle que la «civilisation» peut
être synonyme d'oppression et que le sens de l'histoire n'est pas
aussi univoque qu'on le croit.