On peut prédire, sans risque de se tromper, que la commémoration,
en 2014, du déclenchement de la Première Guerre
mondiale sera instrumentée à des fins politiques. Au nom du
«Plus jamais ça !», il s'agira, pour nos classes dirigeantes, de
justifier la mise en congé de la démocratie en Europe au prétexte,
cent fois ressassé, de sauver celle-ci de ses démons.
Même si comparaison n'est pas raison, il m'a paru éclairant,
pour comprendre comment l'Europe a été progressivement
sortie de l'Histoire, de rapprocher les deux mondialisations, la
première, avant 1914, sous égide britannique, et la seconde,
depuis 1945, sous égide américaine, chacune posant la question
de l'hégémonie sans laquelle on ne peut comprendre ni l'éclatement
de la Première Guerre mondiale ni l'actuel basculement
du monde de l'Amérique vers l'Asie.
La brutale accélération du déclin de l'Europe ne tient pas
seulement aux deux conflits mondiaux qu'a précipités un pangermanisme
aveugle aux véritables intérêts de l'Allemagne. Elle
résulte surtout de la diabolisation de ses nations, nécessaire à
des institutions européennes débilitantes qui ont permis leur
progressive mise en tutelle par de nouveaux hegemon.
Afin de ne pas être marginalisée dans la nouvelle bipolarité
du monde qui s'esquisse entre la Chine et l'Amérique, l'Europe
a besoin de retrouver confiance dans ses nations pour renouer
avec la démocratie et redevenir ainsi actrice de son destin.
Rien n'est plus actuel que le projet gaullien d'une «Europe
européenne» au service du dialogue des cultures et de la paix,
une Europe compatible avec la République, où la France et
l'Allemagne pourront oeuvrer de concert à construire l'avenir
d'un ensemble allant de la Méditerranée à la Russie. Dans une
«réconciliation» enfin purgée de ses ambiguïtés et de ses
non-dits : celle de deux grands peuples capables de poursuivre
ensemble leur Histoire.
J.-P.C.