Yoram Kaniuk interroge ici le jeune homme qu'il a été en
1948, survivant d'une guerre (la guerre d'Indépendance)
qui relève davantage de Charlot soldat que du récit
héroïque. À partir d'anecdotes où l'horreur côtoie le
burlesque, l'écrivain compose un puzzle inédit. Dans une
écriture à la fois jaillissante et contrôlée, il retrouve son
regard d'adolescent perplexe jeté dans la bataille avec, pour
tout entraînement, quelques bains de mer glacés. Témoin
privilégié d'événements qui le dépassent, d'un conflit où
rien n'a été réglé malgré le prix humain démesuré qu'il
exige encore, Yoram Kaniuk ne cherche ni à justifier ni à
condamner.
Magistralement, avec beaucoup de subtilité, en évoquant
un conflit vieux de plus de soixante ans, l'écrivain nous
parle d'aujourd'hui. Au fond de chaque description de ces
combats d'où nul n'est ressorti vivant, c'est l'inanité de
toutes les guerres qui nous prend à la gorge.