Contrairement à une idée trop souvent répandue, les systèmes de culture et
d'élevage mis en oeuvre aujourd'hui par les paysanneries du «Sud» ne sont ni
«archaïques», ni condamnés à l'immobilisme. Cet ouvrage vise précisément à présenter
et expliquer la diversité des conditions et modalités de transformation de
l'agriculture dans les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Il s'attache à
montrer comment les différentes agricultures pratiquées de nos jours sont chacune
le produit d'une longue histoire, au cours de laquelle les paysans ont fait montre
d'une grande capacité de création et d'innovation, dans des environnements écologiques
et socio-économiques relativement hostiles.
De génération en génération, les paysanneries du «Sud» ont continuellement
modifié leurs systèmes de production agricole de façon à pouvoir mettre durablement
à profit les caractéristiques propres de leurs environnements respectifs. Il en a presque
toujours résulté des techniques et des savoir-faire adaptés à la diversité des écosystèmes.
Loin d'être sans fondement, des pratiques tels que l'association simultanée de
plusieurs cultures dans un même champ, le nomadisme pastoral et le repiquage de
plantules en rizières, apparaissent finalement bien rationnelles. Et l'erreur serait de
croire que le développement de l'agriculture dans les divers Tiers mondes devrait
désormais suivre inévitablement la voie tracée jusqu'alors par les exploitants des pays
du «Nord» : celle d'une chimisation et d'une moto-mécanisation sans cesse accrues.
Mais le drame est que dans le contexte actuel de la mondialisation croissante des
échanges, les paysans du «Sud» dont l'outillage reste encore manuel ne peuvent
aujourd'hui résister à la concurrence des exploitants agricoles des pays du «Nord»
dont les systèmes de production sont hautement motorisés et tributaires de l'emploi
d'engrais chimiques. Les paysans les moins compétitifs ne peuvent donc plus guère
disposer de revenus suffisants pour nourrir correctement leurs familles, équiper
davantage leurs exploitations et développer de nouveaux systèmes de culture et
d'élevage, tout en renouvelant durablement les potentialités productives de leurs
environnements. Nombreux sont alors les paysans condamnés à l'exode rural ou aux
départs clandestins vers l'étranger, sans que des emplois ne puissent néanmoins leur
être préalablement assurés.