Cet essai polémique solidement argumenté est une mise au point, à travers l'exemple de Racine, sur plusieurs problèmes de critique littéraire. Il s'adresse à ceux qui lisent une tragédie comme une histoire vraie, explicable par la psychologie des personnages, sans voir que c'est une fiction dramatique et théâtrale, poétique et philosophique.
Dans une fiction, les effets visés (le sens et l'harmonie de l'œuvre) précèdent l'histoire inventée ou adaptée pour les produire, qui est elle-même conçue à l'envers, à partir de son dénouement. Une grande fiction poétique est l'expression allégorique d'une vision de la condition humaine : ses actants figurent les positions dont l'antagonisme compose la problématique mise en scène ; ainsi se définissent leurs rôles, qui déterminent leurs caractères - et non l'inverse ; quant à leur discours, il est fait de répliques, de provocations et de préparations dramatiques, et l'on risque le contresens en privilégiant sa dimension informative et psychologique.
Jean Rohou montre que le tragique racinien est l'expression de l'anthropologie augustinienne bien plus qu'une reproduction de la défunte tragédie grecque. Il démontre l'impossibilité d'une lecture objective des œuvres littéraires, ridiculise quelques metteurs en scène qui n'écoutent que leur génie et des modes éphémères.