Créée en 1875, la Banque de l’Indochine est la plus grande banque française à avoir opéré hors d’Europe sous la IIIe République. Bénéficiant du privilège d’émission pour l’Indochine, elle a su ne pas se contenter de gérer une position favorable et élargir considérablement son champ d’action, tant d’un point de vue géographique que pour ce qui concerne ses opérations : elle combina bientôt les caractéristiques d’une banque coloniale et celles d’une banque d’affaires. Volontairement interrompue en 1939, année qui constitue en tous points une césure, l’étude pionnière de Yasuo Gonjo dresse pour toute cette période un tableau précis des succès et des échecs, des différentes phases d’expansion de la Banque de l’Indochine qui fut un exemple cardinal du dynamisme et de l’esprit d’entreprise des milieux bancaires français, et fut partie prenante de cette sorte d’union sacrée entre banques et États pour ce qui concerne la politique coloniale. Plus avant, il met au jour les facteurs de succès de cette banque - en particulier la répartition des bénéfices et le mode d’approvisionnement en capitaux - qui furent, par la suite, repris par toutes les multinationales ; il évalue l’influence réelle d’une telle banque sur le développement de la colonie indochinoise et la pénétration, à un rythme très lent, du capitalisme en Asie orientale. Bref, l’ouvrage de référence de Yasuo Gonjo permet d’aborder les problèmes, en particulier financiers, de la colonisation, du rôle de l’État dans l’économie, et de percevoir plus précisément les mécanismes décisionnels et les contingences globales auxquelles une grande banque, et toute grande entreprise, doit s’adapter.