Catalogues des peurs et de désirs, répertoires des règles morales ou esthétiques d'une époque, les bestiaires sont à la fois un genre littéraire et, par avance, l'aveu de leur contenu. C'est que les figures animales, réellement vues ou seulement entr'aperçues en rêve, hantent depuis les époques lointaines de Lascaux ou de la grotte Chauvet, la mémoire humaine : représentations réalistes ou expressions religieuses, ces poèmes de couleurs, de formes ou de mots assemblés expriment l'énigme réciproque de l'homme et de la bête, de la plus humble à la plus terrifiante.
Les animaux de Max Rouquette ne sont pas pour lui des créatures marginales : on les trouve éparpillés tout au long de son oeuvre, poétique, romanesque et même théâtrale. Son Bestiaire, dont on trouve ici le deuxième volet, en attendant les suivants, regroupe comme dans une étrange galerie de tableaux toutes ces présences innombrables dont le regard, souvent indéchiffrable, interpelle l'écrivain en lui tendant autant de miroirs de sa propre condition. Ces instants d'émotion intense y sont traduits en rythmes et en images souvent vertigineuses où l'humour, quand il vient à s'y manifester, souligne la qualité du lien unissant le poète à tous ces autres soi-même qui l'attirent au plus enfoui de son imaginaire, jusqu'aux abîmes du temps et de l'espace.
Philippe Gardy