« Aussi différentes qu'aient été nos vies et nos façons de penser, au cours de toutes ces années, nous avons gardé la conviction intime d'une communauté profonde, qui dépassait toutes nos différences intellectuelles », écrivait Gershom Scholem de son ami Leo Strauss. Et Strauss de Scholem : « Vous êtes un homme béni pour avoir réalisé une harmonie entre l'esprit et le coeur à un si haut niveau et vous êtes une bénédiction pour tout juif vivant aujourd'hui. »
Ces paroles donnent le ton d'un échange épistolaire de quarante années entre le plus éminent savant de la mystique juive et le plus rigoureux des philosophes politiques. Si leur art d'écrire s'exerça dans des univers apparemment opposés, ils ne s'en adressèrent pas moins l'un à l'autre, avec la plus grande liberté, la plus entière confiance réciproque, dessinant, au gré des correspondances, entre Jérusalem et Paris, Londres ou Chicago, la carte de l'une de ces « amitiés stellaires » dont le XXe siècle avait le secret.