«Le premier écrivain libre du Mexique moderne» : dans un pays où l'on
réduit facilement la culture populaire à une chorégraphie insignifiante
au service d'un nationalisme vidé de sa vocation intégratrice, la plume
de Carlos Monsiváis dessine un visage `jouissant et combatif' des «masses»
mexicaines contemporaines. Ses chroniques et ses essais explorent le
«Mexique invisible» de ceux qui n'ont pas voix au chapitre de l'appartenance
nationale ; n'ont-ils vraiment aucune voix qui mérite d'être écoutée ?
Monsiváis l'intellectuel tente de se mettre à l'écoute des majorités
silencieuses : il remanie le concept flou de `culture populaire' et reparcourt
les rues de Mexico, pour repenser et redéfinir l'espace national. Et de découvrir
un sens éminemment politique à cette inconnue qu'est la culture populaire
mexicaine : non pas un espace politique uniforme mais une multitude
d'espaces - aussi minimes et fragmentaires soient-ils - où se construit la
citoyenneté. Des espaces d'exclusion où, prenant conscience de leur silence,
les «masses» forgent un nouveau langage et s'acheminent vers une prise de
voix.
Quel rôle pour l'Écriture du chroniqueur ? Faire émerger la voix
multiforme, apprendre le langage de la démocratie ? Est-il même possible
d'écouter la voix des sans-voix ? Monsiváis relève le défi et ne recule pas face
au paradoxe de l'intellectuel aux côtés du peuple, toujours et déjà en train
d'usurper la voix de ceux qu'il fait sortir du silence. Cette brève étude d'une
figure emblématique, médiatisée et controversée, veut mettre en évidence les
exploits d'une écriture originale du peuple mexicain, tout comme ses
contradictions et ses silences.