Premier roman d'un jeune Barbey romantique, écrit autour
de 1835, Ce qui ne meurt pas, d'abord intitulé «Germaine»,
fut aussi le dernier que le romancier publia, en 1883. Roman
normand, qui habite le marais comme L'Ensorcelée occupait la
lande, Ce qui ne meurt pas déploie une histoire frénétique,
toute d'incestes et d'adultère, mâtinés d'homosexualité, de
soupçons de nécrophilie et de matricide, en sorte que le texte
peut se lire comme un condensé, maladroit parfois, de tous les
fantasmes aurevilliens. Mais cette histoire est aussi une étrange
aventure immobile, à peu près dépourvue d'action, à laquelle le
huis-clos de trois individus inextricablement liés donne seul
son intensité. Écrit comme une tragédie où s'imposerait un
fatum implacable, le roman se présente pourtant comme un
roman catholique, marqué par les rigueurs d'un jansénisme qui
semble sanctifier la douleur et refuser au pécheur toute possibilité
de rédemption. Si la pitié est «ce qui ne meurt pas», pour
qui se fie du moins à la leçon explicite mais contestable de
l'épilogue, le roman tout entier s'attache à manifester ce qui
meurt, dans une sorte de jouissance effrénée de la flétrissure et
de la dégradation ; profondément marqué par les rêveries
romantiques et par les destins de René ou de Lélia, Ce qui ne
meurt pas rejoint ainsi la tonalité crépusculaire de la décadence,
dont sa publication le rend contemporain.