En 1854, alors que le Japon était en proie à des troubles
intérieurs qui reflétaient la difficulté à faire face aux
changements imposés par l'intrusion d'un monde
moderne de plus en plus envahissant, de fermes exigences
américaines amenaient le gouvernement shôgunal à autoriser
aux États-Unis, puis aux grandes puissances européennes, l'accès
à un certain nombre de ports de l'archipel, jusqu'alors presque
entièrement fermé aux étrangers. Quatre ans plus tard, en 1858,
une série d'accords commerciaux, dont le traité de commerce
et d'amitié signé avec la France, venait marquer la rentrée du
Japon dans la vie internationale, dont il s'était retiré pendant
deux siècles et demi.
Si les relations entre les deux pays furent celles que l'on
pouvait attendre en cette époque de fiévreuse industrialisation
et portèrent d'abord sur la coopération militaire, les chantiers
navals, la métallurgie, on ne peut qu'être frappé, par-delà les
tragédies qui marquèrent l'histoire du XXe siècle, de la profondeur
et de l'intensité des relations culturelles et intellectuelles que
nouèrent le Japon et la France. Il est loisible de remonter très
loin pour rechercher les racines de cette entente qui va bien
au-delà du matériel, à Guillaume Postel, par exemple, qui au
XVIe siècle traita du bouddhisme japonais ; comme en un écho de
cette première rencontre, le Japon peut d'ailleurs s'enorgueillir
de l'une des plus magistrales traductions de Rabelais, celle de
Watanabe Kazuo, mort en 1975.
En organisant une journée d'études le 23 mai 2008, dans
la grande salle des séances du palais de l'Institut de France,
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, comme c'est
sa vocation, s'est attachée à approfondir cette dimension de
rencontre entre deux civilisations qui caractérise les cent-cinquante
ans de relations franco-japonaises, en réunissant
des savants et spécialistes, japonisants ou non, qui ont tenté
de dresser, chacun dans sa discipline, un bilan de cette riche
période et de suggérer des voies pour les relations à venir.