Il y a là des personnages rugueux, des types qui, pour l'instant, ne pipent mot mais qui peuvent devenir bavards, et même bagarreurs si, l'alcool aidant, le sang se mettait brusquement à courir et à galoper dans leurs veines. Ceux-là, qui vont aisément à la faute, et qui se cabrent pour des broutilles, le tenancier, avec ses cent kilos, sa carrure d'athlète et sa barbe d'un noir de suie, savait leur rabattre le caquet au quart de tour. Il les laissait radoter et n'intervenait qu'en dernier ressort.
Debout près d'un bar situé face à l'océan, une soixantaine de personnes attendent l'arrivée d'une voiture. Celle-ci transporte le cercueil du tenancier. Qui sera bientôt placé au centre de la salle. C'est là qu'ils vont lui rendre hommage, en transformant le lieu de leurs agapes nocturnes en éphémère chapelle ardente, le temps de vider quelques verres et de revisiter leur mémoire en y faisant entrer la figure de celui qu'ils honorent.