
Dans le monde de Chiara Gaggiotti, la vérité (mot qu'elle affectionne particulièrement et qui est presque synonyme chez elle de beauté) naît d'un accord établi sur le déséquilibre même d'une situation impossible : exister entre ce qui est vu et ce qui est pressenti dans ou derrière ce qui se montre. Car l'art de Chiara Gaggiotti est aussi un art du pressentiment, de l'anticipation : de ce que sa peinture va ou doit devenir, de ce qu'il y a au-delà de ses portes, de ses fenêtres, de ses toits. Dans son oeuvre, le figuré ne cesse d'ouvrir sur l'infigurable. Et c'est de cette dialectique secrète que sont faites toutes ses toiles. En somme, ce qui est peint fait signe vers ce qui l'est déjà ou ce qui ne l'est pas encore, de sorte que sa peinture se situe à un curieux moment du temps où le présent est toujours l'ébauche d'une unique toile, mille fois déclinée, dessinée, en train de se peindre.
Le « difficile » souvent rappelé par Chiara Gaggiotti, c'est de ne pas céder aux clôtures trop simples, de ne pas borner abusivement le Côté de Barbès ou le Côté de Rome qu'elle aura choisi de rendre, mais, précisément, proustiennement, de les taire dialoguer, de les taire se rencontrer. Rarement, faut-il le dire, la matière du monde, formelle, par plans, lignes et étendues, n'aura semblé plus infinie, ni plus susceptible de correspondances, de ramifications et d'entrelacements généreux et profus.
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