L'École de Chicago a été l'objet de nombreux ouvrages. Mais aucun
d'entre eux n'examine véritablement ce qui décida de sa naissance.
Suzie Guth se livre ici à une étude critique des circonstances qui
conduisirent à l'émergence de cette nouvelle anthropologie. Elle
nous en montre le caractère fortuit et les idées reçues mais aussi son
aspect profondément novateur. Pour cela, elle s'appuie sur des textes
peu familiers au lecteur français : Le Paysan Polonais en Europe et
en Amérique dans sa version intégrale de deux mille cinq cent pages,
qui n'est encore que partiellement traduite en français, et les recueils
de lettres échangées par le paysan polonais avec la Pologne, un
corpus de «cinquante liasses» qui est au coeur même de cette abondante
monographie. Cet ouvrage représente un outil essentiel pour
la connaissance de la sociologie qualitative. Il entre en articulation
avec les publications déjà parues sur ce thème en ouvrant la réflexion
sur l'amont de ce courant sociologique qui, le premier, fit du récit de
vie un objet de recherche.
Au coeur de l'intérêt contemporain pour
les «histoires de vie», qu'alimentent
une tradition ancienne et un courant
théorique qui ont trouvé à s'exprimer
tant en littérature qu'en sciences humaines,
il y a la dimension créative
d'une «écriture de la vie».
«L'écriture de la vie» à laquelle renvoient
l'étymologie et le sens commun du mot
biographie est ici entendue comme une
attitude première du fait humain :
dès qu'il veut se saisir de lui-même,
l'homme écrit sa vie. Il n'a pas d'autre
moyen d'accéder à son existence que
de figurer ce qu'il vit à travers le langage
des histoires. Les hommes ne font pas
le récit de leur vie parce qu'ils ont
une histoire : ils ont une histoire parce
qu'ils font les récits de leur vie.