Chronique de l'oubli
Le petit carnet rouge offert par la jeune fille à l'enfant de trois ans est-il pure fiction ? La mère le prétendait. L'auteur de ces pages, convaincu du contraire, fouille les béances de son enfance rêveuse et mélancolique, interrogeant au passage Proust, Joyce ou encore Nabokov (dont il est le spécialiste et le traducteur) qui ont vécu dans leur enfance des expériences analogues aux siennes, dans l'espoir de renouer les fils d'un récit qui se dérobe à lui. Né au Moyen Âge, comme il aime à dire, il fait revivre toute une société paysanne rude et grégaire mais chaleureuse, soumise quotidiennement à la loi et au rythme imposé par une Église despotique et puritaine, société peu cultivée qui n'est pas loin de penser que la fréquentation trop assidue des livres peut rendre fou. L'auteur, qui a démonté ailleurs les faux-semblants de la censure et de l'autocensure, manifestement conscient que l'impudicité est une stratégie comme une autre, s'expose et se dissimule tout à la fois derrière une écriture poétique et truculente, qui semble vouloir épouser les bercements de la lactation.