L'expérience du combat a suscité de nombreux témoignages, mais
peu de réflexions approfondies dans le champ des sciences humaines
et sociales. Comme si la guerre «au ras du sol» était un objet pour eux
interdit, rares sont les anthropologues et les historiens à s'y être intéressés,
y compris parmi ceux qui portèrent les armes et connurent le
feu des batailles (Marcel Mauss, Marc Bloch, Norbert Elias, Edward
Evans-Pritchard, Edmund Leach, pour ne citer que les plus célèbres).
C'est à partir d'une enquête sur cet étrange silence que Stéphane
Audoin-Rouzeau tente de poser les jalons d'une anthropologie historique
de la guerre moderne, depuis le début du XIXe siècle jusqu'à
l'aube du XXIe. Penser la violence de guerre au plus près du combattant,
la placer au centre de l'investigation, c'est non seulement s'efforcer
de combler une lacune, mais accepter de la regarder en face, dans ses
moindres détails, et s'interroger à nouveaux frais sur la nature profonde
de nos sociétés.