Confiance et communication
Une aporie démocratique
En qui avoir confiance aujourd'hui ? L'appel à la confiance est quotidien, à la hauteur de la défiance partout exprimée envers les politiques, journalistes, experts, scientifiques, etc. Dans cette agora mondialisée que sont devenues nos sociétés, la confiance engage plus que jamais la communication par la place qu'elle accorde à la parole donnée à l'autre et à la relation qu'elle scelle avec lui. Mais, relevant de l'intime, de la croyance en ce qui va advenir, peut-elle être considérée comme une modalité de gouvernance, une catégorie pertinente pour penser la démocratie et l'espace public ? À l'heure de l'information continue qui oblige à tout savoir, tout dire et tout montrer, comment cette confiance, qui réclame du temps partagé, des affinités (s)électives et des confidents choisis pour des secrets bien gardés, est-elle possible ?
Nouvelles formes d'entre-soi, les réseaux socionumériques semblent être des espaces propices au déploiement de la confiance. Mais entre la gestion des traces et les dispositifs de sécurisation, la confiance numérisée et automatisée garde intacte, en l'exacerbant même, cette incommunication généralisée qui caractérise souvent les relations humaines et sociales aujourd'hui. Elle ouvre la voie aux appels à la défiance qui constituent autant de menaces contre la démocratie, la culture et la connaissance.
Hermès examine ici la coopération et les antinomies entre communication et confiance. Peut-on encore avoir confiance ? Celle-ci trouve son chemin dans les négociations diplomatiques, sociales et cognitives. Elle peut également naître à partir des débats et des critiques. Ce numéro Hermès fait ici le point sur les jugements controversés que la confiance a suscités, et donne la parole aux acteurs qui la pensent et la mettent à l'épreuve de la communication dans de nombreux domaines comme l'école ou l'hôpital, le monde politique ou syndical, l'armée, l'Église ou l'entreprise.
Anne Lehmans et Éric Lecouturier