Lundi 25 avril, 22h10
Charlotte s'est glissée dans la foule qui s'agglutine derrière le corridor de sécurité de la rue de Charenton.
L'ambulance vient à peine de partir et, d'où elle est, elle aperçoit encore le reflet du gyrophare qui glisse sur les façades du boulevard Diderot, côté impair.
Le cordon de sécurité se disloque mais pas mal de personnes restent sur place et échangent vivement sur
le terre-plein.
Charlotte a sorti le petit micro qu'elle a branché à son portable, mais se fait tout de suite alpaguer par un jeune type.
- T'es des RG ?
Elle ne s'embarrasse pas à lui expliquer que les RG ont changé de nom, mais montre simplement sa carte de presse ; le type lui répond que « c'est rien d'autre que la face B ». Elle fait mine de ne pas comprendre ce qu'il dit. Il s'éloigne avec deux autres jeunes, direction Nation.
Les témoignages de ceux qui restent semblent contradictoires. Certains évoquent la mise en place rapide d'une nasse de CRS visant à isoler des casseurs juste après les premières vitrines brisées au croisement Charenton-Diderot.
- La petite jeune fille a été prise dedans, j'étais à quelques mètres à peine. Ils ont chargé avec les bâtons en position offensive, j'vous dis !
- Arrêtez de dire n'importe quoi, il n'y a pas eu de nasse à cette hauteur du boulevard. C'est à Nation que ça s'est passé. Vous n'étiez même pas là, si ça se trouve !
- Fasciste !
Marion, dix-sept ans, s'effondre lors d'une manifestation à Paris ; on ne parviendra pas à la réanimer. Le lieutenant Meurey doit annoncer la triste nouvelle à la mère complètement désemparée.
Pour Reda (amoureux de Marion), Yasmina et les autres élèves de sa classe au Lycée Villon, c'est l'incompréhension et la colère, même lorsque le proviseur Amblard essaie de trouver les mots justes pour faire face à l'événement. Pour braver les interdictions, ils disposent d'une arme nouvelle et efficace : les réseaux sociaux.
Du côté des pouvoirs publics, on se renvoie la balle et il faut un bouc émissaire. Ce sera Ergouin, le secrétaire général de la préfecture qui rêvait d'une carrière dans le Cantal mais se retrouve en poste à Paris quand tout arrive. Il sera muté dans les deux jours... ce qui n'est pas forcément pour lui déplaire. D'autant qu'il sait pas mal de choses qui pourraient bien intéresser la presse...
Cortège(s) est écrit pour un choeur de comédiens, quel qu'en soit le nombre.