Choc des cultures. D'un côté, le désir affirmé d'un métissage généralisé, d'un
multiculturalisme conquérant, d'une créolisation du monde, conçus comme
antidote au racialisme nazi, à la glorification des identités ethniques, à la haine
des droits de l'homme, ce puissant dissolvant égalitaire des communautés.
De l'autre côté, la nécessité de maintenir les différences, d'établir des frontières,
de considérer us et coutumes hérités, mais en récusant radicalement toute idée
de hiérarchie culturelle : le barbare, c'est celui qui croit en la barbarie. Pourtant,
l'homme occidental s'est souvent octroyé le droit d'imposer aux autres ses valeurs,
celui de coloniser, voire d'esclavagiser. La conquête sud-américaine, le destin des
peuples noirs, en fournissent de trop parfaites illustrations. Psychiatrie coloniale
mais aussi Frantz Fanon et l'école de Fann.
Modernité : le combat pour la liberté individuelle absolue, pour des identités
fluides, choisies, sans racines. Archaïsme : les appartenances communautaires
et ethniques, même acceptées démocratiquement, qui procurent sécurité et
reconnaissance ? La psychanalyse est-elle d'ailleurs valable pour tous les âges et
continents ? Le mépris affiché pour certaines cultures - mais peut-on tout tolérer ? -
entraîne sentiments victimaires de honte, d'abandon, de dépression mais aussi
de révolte. La Nation républicaine, née de la Révolution française, permet-elle
d'assurer la synthèse entre identité collective, au détriment des particularités,
et liberté individuelle ?
La paranoïa risque de surgir à tout instant lors de ce parcours. Breivik et Merah
passent à l'action meurtrière, à mille lieues d'une utopique fraternité universelle.