Les réflexions proposées dans cet ouvrage sont issues d'enquêtes de terrain effectuées à la fin des années 1990 dans le pays dogon, région située au sud de la République du Mali. Un siècle durant, il a fait l'objet d'une intense activité scientifique, littéraire, voire journalistique, au point que la population qui l'occupe est devenue un repère obligé dans l'histoire de l'anthropologie.
Aujourd'hui, l'héritage dogon semble avoir intégré, tant dans les cadres sociaux que dans les comportements individuels, l'hégémonie d'une tradition savante promue au rang de référence institutionnelle: l'Unesco a classé une partie de cette région comme «bien culturel et naturel» du patrimoine mondial. La vulgate que les habitants du pays dogon, impliqués dans le marché de l'exotisme, du tourisme et de la muséologie, sont censés devoir restituer aux autres aussi bien qu'à eux-mêmes, signale l'élaboration et l'extrapolation des données que la situation originaire de l'échange ethnographique, dans l'entre-deux-guerres, a permis de recueillir. Mais ces usages reflètent également la dimension emblématique que, depuis, le pays dogon a acquise, et qui, de façon théorique, permettent d'interroger à la fois les pratiques, les méthodes et les concepts de l'anthropologie.
Les représentations de la tradition dogon n'ayant jamais cessé de s'enrichir au fil des ans et des travaux, on assiste à la persistance de phénomènes instituant une mémoire que l'on peut dire ethnographique, et plaçant le pays dogon dans un temps continûment retrouvé. Et à retrouver.