«Le nominalisme constitue une réfutation de la temporalité historique. Réfutation
en vertu de laquelle toute identité entre histoire et justice est d'avance exclue : il
n'y a pas de règlement de comptes possible entre l'universalité de la pensée et
le langage, et la singularité du réel. Cela étant, la question de la légitimation du
pouvoir devient, de façon moderne, une affaire de profane, susceptible seulement
d'être résolue - et, pour cela même, en rigueur, jamais résolue - de façon
pragmatique, à travers des équilibres de forces successifs et très imprévisibles.
Et, au-delà de la temporalité de l'histoire, s'ouvre pour nous, les modernes,
une expérience du temps à la fois radicale et irréductible : celle du jetztzeit (tel
que Walter Benjamin l'a nommé) ; de la catastrophe ; de la mort au-delà de tout
horizon historique de rédemption.»
«"Je ne parle pas" : mers d'encre, bois de papier, le souffle des générations
entières impliqué à élaborer, à diffuser et à parler d'un savoir mélancolique et,
pire encore, de façon succincte, autocontradictoire. Cependant, celui qui dit "je
ne parle pas" prend, de façon fugace, la parole : au bord de l'abîme, entre deux
eaux, comme un nageur qui, pour un instant, arrive à sortir la tête de l'eau pour
respirer, se dresse et se constitue alors comme un sujet. De cette manière, la
«contradiction performative» - ce que l'énoncé réalise contredit son contenu
manifeste - serait la forme spécifique de la production du discours dans les
conditions de la Modernité. Le sujet moderne se constitue seulement, de manière
sacrificielle, par la négation.»