Le fonds légendaire, le folklore, le surnaturel, le conte, sont des notions qui intéressent à la fois les anthropologues, les folkloristes et les littéraires, mais le cloisonnement des disciplines empêche souvent une réflexion croisée. Cette publication a pour visée de réunir une équipe de chercheurs pluridisciplinaire autour de catégories elles-mêmes composites : le surnaturel, l’oralittérature, le conte, le Merveilleux, le Fantastique.
Il s’agit ici de réévaluer la pertinence des concepts de Merveilleux et de Fantastique élaborés progressivement en Europe aux XIXe et XXe siècles pour les littératures occidentales, mais souvent plaqués aujourd’hui sur des récits de l’océan Indien ou d’ailleurs narrant des faits apparemment impossibles, étonnants ou effrayants. De quelle manière nécessairement originale, l’altérité – fascinante ou terrifiante, merveilleuse ou démoniaque – s’inscrit-elle dans le folklore et dans les littératures de l’océan Indien ? En quoi cela pourrait-il permettre, en retour, d’affiner les définitions établies du Merveilleux et du Fantastique des littératures occidentales ?
Dans les contes mahorais, malgaches et créoles, le surnaturel – toujours inséré dans un cadre réaliste dont il ne détruit jamais l’harmonie –, relève-t-il encore du Merveilleux des traditions littéraires occidentales ? Est-on plus proche de ce que les écrivains latino-américains appellent le « réalisme magique » ou le « réel merveilleux » ? Ou s’agit-il encore d’autre chose ? Dans l’océan Indien la prégnance de la tradition orale, le paysage des mentalités, éloigné d’une représentation dite cartésienne du monde – la situation géographique et un métissage culturel exceptionnel aidant – contribueraient à une écriture du « surnaturel » éloignée du genre fantastique : ce genre dans lequel le surnaturel, l’irrationnel ou l’altérité sont vécus comme une déchirure de la cohérence universelle, une aporie problématisée par le héros et un récit autoréflexif.