La matière première de ce livre est une série d'entretiens
menés par Beverley Skeggs avec quatre-vingt-trois
jeunes femmes issues de la classe ouvrière anglaise,
inscrites à une formation d'aide à la personne et
travaillées par leur propre respectabilité. Abordant leur
rapport à la sexualité, à la classe ou au féminisme, cet
ouvrage vient apporter un prolongement essentiel aux
travaux de Pierre Bourdieu et de Paul Willis.
On est sorties à Manchester l'autre samedi, toutes les
trois. C'était bien en fait, on s'est bien marrées. Mais à
un moment, on est allées dans le quartier bourge, et on
se marrait devant les chocolats en se demandant combien
on en aurait mangé si on avait pu se les payer, et il
y a cette femme qui nous a lancé un regard. Si les
regards pouvaient tuer. Genre, on était là, c'est tout, on
faisait rien de mal, on n'était pas crades ni rien. Elle
nous a juste regardées. On aurait dit que c'était chez
elle et qu'on n'avait rien à faire là. Ben tu sais quoi, on
est parties, on n'a plus rien dit pendant une demi-heure.
T'imagines ? On s'est bien fait remettre à notre place.
On aurait dû lui mettre notre poing dans la gueule. C'est
des trucs comme ça qui te dégoûtent de sortir. Il vaut
mieux rester chez soi.