Ce manifeste net et dogmatique, écrit avec la précision et le feint détachement que Signac admirait chez Stendhal, détonne en cette fin de siècle où l’on parle plutôt de « sensation d’art » et de « religion de la beauté » que de documents, d’histoire et de lois. Livre de partisan, paru une dizaine d’années après la naissance du mouvement, ce fut aussi un livre essentiel pour la génération du tournant du siècle, qui allait créer la peinture moderne.
Cette glorification de la couleur, que Signac sait très clairement conceptualiser, n’est pas sans rappeler l’esthétique byzantine et vénitienne, en totale rupture avec celle des Grecs et de Raphaël. Éternelle querelle des « davidiens » et des « rubinistes », qui avait tant troublé Delacroix... Il est très curieux de retrouver dans l’esthétique du néo-impressionnisme l’un des thèmes éternels des écrits sur l’art plastique et de découvrir ici l’affirmation d’un art dont les problèmes doivent être propres, et totalement étrangers à la littérature.
De Matisse à Kandinsky, tous les artistes du début du siècle qui se sont préoccupés de couleur se sont inspirés de cette œuvre fondamentale par excellence. Fondateur, avec Seurat, du pointillisme, Signac y développe pratiquement cette pensée d’Eugène Delacroix selon laquelle l’« art du coloriste tient évidemment, par certains côtés, aux mathématiques et à la musique ».