Il est rare de trouver pour ces années 1400-1500 des bibliothèques aussi
riches. Leur caractère majoritairement inédit ajoute encore à l'intérêt et
contribue à la connaissance de l'humanisme. Leurs propriétaires respectifs
sortent également de l'ordinaire.
Le premier, l'oncle, Jean Jouffroy, cardinal d'Albi (c. 1412 - 1473), était déjà
connu pour sa carrière diplomatique, pour son rôle dans des événements particulièrement
tragiques ou encore pour son appétit insatiable pour les livres et
les manuscrits dont quelques-uns offerts aux grands de son siècle. Mais c'est la
première fois qu'une étude de synthèse recense et analyse tous les manuscrits lui
ayant appartenu : plus de cent dix volumes conservés, trois manuscrits connus
par les sources mais disparus aujourd'hui, et cinq à l'attribution d'appartenance
probable, ce qui est très remarquable pour cette époque.
Quant à son neveu Hélion Jouffroy, moins connu que son oncle, chantre de
Rodez et prévôt d'Albi ( 1529), l'inventaire publié à partir d'une pièce inédite
le révèle propriétaire de l'une des bibliothèques particulières les plus riches du
royaume, avec plus de six cent cinquante articles : un chiffre également considérable
pour cette période.
L'étude de ces manuscrits et de cette bibliothèque révèle, entre autres, l'influence
de la famille Jouffroy dans l'introduction de l'imprimerie à Albi dès 1474, la
richesse des échanges intellectuels dans l'Europe de la fin du Moyen Âge, la
splendeur de l'art florentin de l'enluminure ou encore la précocité de l'introduction
de l'art italien de la Renaissance en France.