Discipline
« Il faudrait un texte médical qui détermine ce qui marche dans le corps et ce qui ne marche pas afin de savoir qui est vivant et qui est mort. On sait toujours tout. » Discipline est un manuel poétique qui ouvre les corps aux regards inquiets. Ces corps, ceux des femmes ou des hommes, des mères ou des pères, ces corps noirs effacés à dessein ou ceux filtrés par les écrans, sont abîmés et meurtris, parfois méconnaissables. Qui les violente, qui est à la manoeuvre ? Est-ce le corps social et politique pour qui celui de l'individu doit être contenu ? C'est tout l'enjeu du désir d'une « histoire vide » : Discipline est un livre qui décontenance les corps, les ouvre, les vide et les redistribue. Leur procession se fait certes dans la douleur promise par le titre. Mais il y a au coeur du mot discipline la racine latine discere, apprendre. Contre l'oppression des êtres et l'idée d'un savoir absolu, l'écriture est discipline, apprentissage toujours recommencé, travail de la langue, doute renouvelé. « Il y a des corps plein les arbres - on le sait » : la discipline, c'est continuer à écrire en sachant cela, en sale connaissance de cause. Non pas le « je vais vous apprendre » du père fouettard, mais au contraire la poésie qui « nous apprend ». Nous, à la fois objet et destination, rêve et possibilité d'un corps sain.