La philosophie d'Héraclite et ses aphorismes obscurs
ont été l'objet de nombreuses réappropriations dans
l'Antiquité. Le projet de ce livre est d'examiner l'usage
qu'en ont fait certains philosophes sceptiques, dans le
cadre d'interprétations où l'on repère non seulement
l'influence de Platon, voire d'Aristote, mais aussi celle des
Stoïciens.
Notre source principale sur l'Héraclite sceptique
est Sextus Empiricus (Ile siècle de notre ère), qui nous
fait connaître Énésidème, le rénovateur du scepticisme
pyrrhonien au Ier siècle avant notre ère. Sextus rapporte
que selon Énésidème, le scepticisme «est un chemin
vers la philosophie héraclitéenne». Cette formule a donné
lieu au problème de «l'héraclitisme d'Énésidème», décrit
en 1887 par V. Brochard dans ses Sceptiques grecs :
à un Énésidème «ennemi déclaré de tout dogmatisme
et sceptique à souhait» semble en effet s'opposer un
Énésidème «ouvertement dogmatique», et l'on ne voit
pas comment expliquer la métamorphose de l'héritier
de Pyrrhon en disciple d'Héraclite. La question croise
aussi bien l'histoire de l'Académie, avec le problème du
Plato scepticus, que celle du scepticisme, avec la place
d'Énésidème dans la tradition pyrrhonienne.