Pourquoi republier, près de deux siècles après sa première parution, ce livre de Pierre Leroux au titre étrange, anachronique et un peu inquiétant ?
S'il y a une actualité de ce livre, il la doit sans doute à son inactualité même, au fait qu'il incarne ce qui aurait pu être une autre voie possible pour l'organisation des rapports du politique et du religieux en France. Soit une certaine façon d'entendre la laïcité, très différente de celle qui a triomphé en reconduisant le thème chrétien de la séparation de ce qui est à César et de ce qui est à Dieu, du temporel et du spirituel, des Églises et de l'État. Car c'est précisément cette séparation, étrangement pour nous tant elle nous semble évidente, que Pierre Leroux, s'inspirant de Spinoza, critique et refuse, en même temps qu'il conteste toute possibilité pour l'État d'être « neutre » et dénonce les limites, si ce n'est l'hypocrisie, de la seule tolérance.
Cela le conduit à une proposition : organiser religieusement la société laïque. Cette proposition républicaine originelle ne peut manquer d'apparaître surprenante. Elle suppose en tout cas, pour être comprise, de mobiliser un autre concept de la laïcité et un autre concept de la religion que ceux qui sont les nôtres aujourd'hui.