Qui est l'« ennemi principal » ?
Pour la féministe matérialiste qu'est Christine Delphy, il ne s'identifie ni à l'Homme - avec une majuscule -, ni aux hommes en général. Ce n'est en effet ni une essence ni un groupe naturel : c'est un système. Or ce n'est pas non plus, ou plutôt pas principalement, pour cette théoricienne qui s'inspire de Marx mais dans un parfait esprit d'hétérodoxie, le système capitaliste.
L'ennemi principal, c'est ce qu'elle a choisi d'appeler le patriarcat : à savoir un système autonome d'exploitation et de domination.
Elle a entrepris depuis plus de vingt ans d'en constituer la théorie, très exactement l'économie politique du patriarcat.
« L'ennemi principal », c'est aussi le titre de l'article de Christine Delphy qui, publié en 1970, la première année du Mouvement de libération des femmes, marque le début d'une révolution dans la réflexion féministe. Elle introduisait l'idée alors totalement nouvelle du patriarcat défini comme structure sociale hiérarchique et inégalitaire, en refusant toute explication de la subordination des femmes en termes idéalistes - que ce soit sur des bases biologiques, naturalistes ou essentialistes, ou bien encore fondées sur l'idéologie ou le « discours ».
Que ce féminisme soit un matérialisme signifie que ce sont les pratiques sociales matérielles qui rendent compte de la domination patriarcale sur les femmes.
« La sociologie critique de Christine Delphy dévoile le parti pris androcentrique de la science sociale dominante et met en question sa prétention à l'objectivité », Michael Löwy.