Une première approche du phénomène de la traduction tendrait à donner d'elle une image plus homologuée que celle de l'écriture, plus proche de ce qu'on nomme d'ordinaire transmission, et qui suppose un contenu : traduire, c'est bien sûr se mesurer à un texte préexistant (énorme évidence bonne à rappeler pour en mesurer toutes les implications). C'est donc éloigner un peu le vertige de l'informel, du texte censé surgir ex nihilo.
Mais d'un examen plus approfondi, il résulte vite que traduire c'est affronter, tout autant que le texte original et de façon plus taraudante, les spires, abîmes et silences de sa propre langue, en une expérience dont l'intensité et la légitimité n'entretiennent pas une relation hiérarchique avec celles de l'écriture première.