La vie de Milton (1608-1674) couvre le XVIIe siècle dans son ensemble.
Anticonformiste dès son adolescence, à la fois puritain imprégné des
enseignements de la Bible dont il ne se départit jamais, sur quoi il fonda
ses idées politiques, et humaniste profondément lettré, il s'appuya sur ces
deux piliers pour accompagner les événements de son temps et les dépasser
par sa pensée.
Comme ses contemporains, il se révolta contre une monarchie tyrannique
qu'il attaqua passionnément : La charge des rois et des magistrats (1649)
et, plus encore, L'Iconoclaste (1649), réquisitoire contre Charles Ier, en
sont l'expression extrême.
Dès avant le Protectorat de Cromwell, il souhaita, avec la foi d'un
patriote ardent, zélateur de l'État-nation (l'Angleterre devait être le
«peuple élu»), l'établissement d'une monarchie constitutionnelle, où les
droits des citoyens anglais «nés libres» devaient être respectés. Liberté
de pensée, étayée par celle de la presse (Harangue aréopagitique, 1644),
liberté de la vie conjugale (Doctrine et discipline du divorce, 1643),
fondées sur la liberté religieuse, à l'exclusion du catholicisme et même de
la prélature anglicane (Smectymnuus, 1641, La raison et la discipline du
divorce, 1642).
Acceptant la violence pour arriver au but désiré, il évolua de plus en
plus vers un républicanisme qui devançait celui du siècle des Lumières,
élitiste mais toujours inspiré par les valeurs religieuses. Il n'envisagea pas
le suffrage universel, mais un paternalisme chrétien à l'égard des couches
inférieures de la société.
Il avait coupé alors le tissu culturel de son époque, qui se défit dans
sa pensée jusqu'à un républicanisme utopique, très loin en avant dans
l'histoire et précurseur des révolutions à venir, «république des saints»
de l'Angleterre, plus encore que de la Révolution française (Comment
établir facilement et sans délai une république libre, 1660). En religion,
son puritanisme chrétien, où grondait en profondeur la rébellion affective
contre toute autorité, s'ouvrait sur une indépendance spirituelle totale, en
allant du Paradis perdu (1667) au Paradis reconquis (1671).