À travers ses entretiens avec Rossana Dalmonte et ses essais sur la musique, Luciano Berio (1925-2004) fait apparaître la profondeur et la générosité d'une pensée qui s'est développée indépendamment de celle de sa propre génération, et qui embrasse la totalité des formes musicales, au-delà des oppositions entre l'ancien et le nouveau, le savant et le populaire, la musique avant-gardiste et la musique de masse. C'est que Berio vise moins la dimension théorique en soi, se méfiant des formulations trop rigides ou des positions fondées sur des a priori idéologiques, qu'il n'accompagne son travail de compositeur d'une réflexion en actes, puisant à des sources telles que l'anthropologie, l'ethnomusicologie, la linguistique ou la musicologie. Sa lecture des oeuvres et des différentes musiques abordées se fait toujours de l'intérieur, mais sans jamais oublier que la musique est un fait social. Elle est parfois violemment critique, voire polémique, mais toujours éclairante, grâce à son ampleur et à sa justesse. Comme l'indique Martin Kaltenecker, traducteur des entretiens, les textes ici rassemblés constituent un document essentiel pour l'histoire de la musique du XXe siècle.