À partir d'exemples majoritairement puisés en Afrique noire, ce
livre analyse les dilemmes de la sécurité publique dans les États faibles.
Il montre notamment que si les polices des pays en développement sont
rarement considérées comme des objets de recherche dignes de
considération, elles constituent en fait un enjeu fondamental de la
construction de l'État. Leurs défaillances relèvent en effet de problèmes
structurels et pas seulement conjoncturels. Elles ne sont ni récentes, ni
limitées géographiquement. De façon empirique, le visiteur de passage
ou l'expatrié ne peut certainement pas les ignorer. Les check points de
police qui lui barrent la route sont bien visibles. Appelés bouchons en
Afrique francophone, ils mettent en évidence toute une économie
politique de la violence et du racket qui consiste à rançonner la
population au nom de l'État et au service d'intérêts privés. Ces
pratiques d'extorsion ne sont pas de simples bavures : au vu de leur
caractère systématique, il convient assurément de les avoir à l'esprit si
l'on veut réformer en profondeur les appareils sécuritaires des pays en
développement. Dans le même ordre d'idées, il importe également de
dépasser les habituels lieux communs sur la prétendue «nouveauté»
des phénomènes de privatisation de la sécurité depuis la fin de la guerre
froide. Historiquement, le monopole weberien de la «violence
légitime» n'a été qu'une référence lointaine dans le cadre colonial
d'États inachevés et jamais hégémoniques. Autrement dit, parler
aujourd'hui d'une «privatisation» de la sécurité perd beaucoup de son
sens quand on sait que les polices coloniales défendaient déjà les
intérêts d'une frange minoritaire de la population, à défaut d'avoir été
conçues comme un véritable service public.