En 1896, Sorel publie une « Étude sur Vico » d'une centaine de pages. En 1898, il revient sur le sujet dans un article des Sozialistische Monatshefte consacré à « Ce qu'on peut apprendre de Vico ». Jusqu'à la fin de sa vie, il ne cessera de se référer au philosophe napolitain. Or rares sont, à l'époque, ceux qui s'y intéressent encore : la vogue des philosophies de l'histoire est passée, et avec elle le goût pour Vico, un temps porté par la traduction de Michelet. Si l'auteur de la Science nouvelle attire encore les lecteurs, c'est dans le milieu restreint de ceux qui n'ignorent pas la note du Capital où Marx s'appuie sur Vico pour expliciter ce qu'il faut entendre par « méthode matérialiste ». Comme Lafargue, Sorel en vient à Vico via Marx. Mais à la différence de Lafargue, qui ne cite Vico que pour conforter le déterminisme économique strict qu'il croit voir chez Marx, Sorel lit vraiment Vico, et à partir de cette lecture, entreprend de relire Marx. Si l'Étude sur Vico cherche d'abord à résoudre un problème interne à la Science nouvelle, celui de la coexistence de la Providence et du « faire » des hommes, elle se veut aussi une réflexion critique sur le matérialisme historique, et sur ce qui le distingue radicalement de tout idéalisme, assumé ou non ; enfin, elle invite à réfléchir sur le problème plus vaste de savoir en quel sens les hommes font leur histoire, s'ils la font.