« Je veux être enterrée dans un cercueil, dit la grand-mère.
- On n'a pas de cercueils prêts, que va-t-on faire ? demanda la troisième tante.
- Des funérailles molles, répliqua tout bas le beau-père de Daiyun, la mine soudain très sombre.
- Je ne veux pas de funérailles molles, s'écria la belle-mère de Daiyun en pleurant encore plus fort, si on est inhumé ainsi, on ne peut pas se réincarner. »
Lors de la Réforme agraire chinoise, au début des années 1950, une famille de propriétaires terriens décide de se suicider pour échapper aux séances publiques d'accusation, dites « séances de lutte ». Les corps sont enterrés sans linceuls ni cercueils dans des fosses creusées à la va-vite. La jeune Daiyun est désignée pour les combler, traumatisme, parmi d'autres, qui lui fera occulter le passé. Dépassant le cadre de la Réforme agraire et des drames qui l'ont accompagnée, Fang Fang se livre dans ce roman, savamment composé, à une réflexion sur la tentation de l'oubli et le devoir de mémoire dans un contexte où la vérité historique se révèle insaisissable.