La Grammaire historique des arts plastiques est un essai conçu par Aloïs Riegl vers 1897-1898, laissé à l'état de manuscrit par l'auteur et finalement publié en 1966 par deux de ses disciples, Otto Pächt et Karl Swoboda. Annonçant les grands ouvrages représentatifs de la méthode formaliste de l'auteur que seront les Questions de style (1893) et L'Industrie d'art romaine tardive (1901), elle forme un véritable laboratoire théorique dans lequel est introduite une idée essentielle, héritée de Schelling, selon laquelle « chaque fois que l'homme crée des oeuvres plastiques, il ne fait rien d'autre en fin de compte qu'entrer en compétition avec ce que la nature crée de son côté ». Sans chercher à simuler la nature, il la corrige en la spiritualisant, ou en la recréant à l'état brut ou éphémère. C'est dans ce sens qu'il faut parler de grammaire, puisque Riegl ne cherche rien d'autre qu'à isoler et à caractériser les différents registres de cette « rivalité ». Cette grammaire s'inscrit en même temps dans une grande trame historique, allant de l'Antiquité jusqu'à la Renaissance. Synthèse infiniment ambitieuse, la Grammaire est en même temps traversée par les interrogations de l'auteur qui divise son texte en plusieurs plans de travail, introduisant après coup la question des motifs et celle du rapport entre la forme et la surface. C'est peut-être cette instabilité théorique qui fait aujourd'hui de ce texte oublié par son auteur un livre intensément expérimental, essentiel, à ce titre, pour l'histoire de l'art.