Gravir les montagnes est une affaire de style
« Ça fait plusieurs années qu'elle a enclenché le filtre à mémoire, Lulu. Il lui arrive de ne plus se rappeler le prénom de ses quatre filles ni ce qu'elle a déjeuné une heure avant mais elle ne s'égare pas d'une virgule quand il s'agit de raconter son rappel à la Dent du Géant, directement sur la vierge et son Maurice rigolard qui, du sommet, la regardait descendre :
- Dieu, tu t'en remets à lui quand ça t'arrange finalement ?
- Ce n'est pas Dieu, c'est sa mère ! Et les mères, elles ont le bassin large et les reins solides !
Mille fois qu'elle le raconte ce moment de là-haut, jamais elle ne varie. Si ce n'est pas celui-là, elle piochera dans sa besace, ce ne sont pas les instants qui manquent. »
De tels moments, nous en avons tous en tête, ramenés des montagnes où l'on s'est finalement bien marré. Des moments où l'on a voulu dire beaucoup avec peu de mots. La faute à ce fichu vent, au souffle court, au sérieux de l'entreprise, à l'autre si loin au bout de la corde. Peu de mots mais énormément de style. À travers ce texte plein de jubilation et de tendresse pour son Monde, Cédric Sapin-Defour épingle nos faits de langage pour éclairer les épisodes forts d'une ascension alpine... comme