Pour l’individu comme pour la société, la question de l’héritage est au cœur de la construction identitaire et des productions culturelles. L’héritage désigne à la fois le legs lui-même et le processus incluant la filiation et la transmission. En littérature, son traitement se révèle capital : on ne peut écrire sans transmettre et, du même coup, on s’inscrit dans une filiation quand ce ne serait que pour s’y inscrire en faux. Si l’Ancien Régime peut apparaître comme stable sous cet angle, les Lumières et surtout le Romantisme vont faire advenir, dans un certain tumulte, un mode paradoxal d’hériter. L’autonomie croissante de l’individu s’accompagne désormais d’une fatalité autre que celle du sang et des tares physiques ou sociales. Plus près de nous, la compilation parfois douloureuse des héritages aboutira au « droit au souvenir », voire au « devoir de mémoire », avant qu’un impératif de créativité dans la résilience ouvre aussi, salutairement, le droit - fût-il partiel ou temporaire - à l’oubli.