Par le titre ‘Hommes et livres’, j’ai voulu indiquer et surtout distinguer les deux préoccupations principales qui ont dirigé le développement de ces études. Toutes les fois que je me suis trouvé en présence d’une œuvre que l’intention de son auteur destinait à donner au public un plaisir littéraire, j’ai pris le livre pour matière et n’ai voulu regarder l’homme que par rapport au livre. Au contraire, les écrits qui sont proprement en dehors de la littérature, m’ont paru être de ces pièces à travers lesquelles l’intéressant était de voir les hommes, de les attraper dans leur individualité physique et morale...Aujourd’hui plus que jamais, le public attend des écrivains, je ne dis pas des réponses aux questions qui l’obsèdent, mais du moins le débat de ces questions. Qu’on ne parle pas de misérable dilettantisme, s’il y a sincérité des deux parts, si celui qui consulte et celui qui répond aiment la vérité jusque dans ses apparences, et dans ses fuites. Si la religion pour nombre d’âmes n’est plus qu’une forme vide, si la science loyale écarte les problèmes qu’elle ne peut résoudre, si, avec le sens de la vie et l’origine de l’être, la morale reste en suspens, qui donc entretiendra dans les esprits le sens du mystère et la préoccupation morale, à moins que la littérature, par son agitation féconde, n’empêche la prescription de se faire, jusqu’au jour où quelque puissance légitime, science plus avancée, religion renouvelée, prendra la direction des consciences, et fera éclore de nos doutes féconds une connaissance ou une croyance, partant une règle efficace de vie ?