Plus encore que les ensembles fameux de Khajurâho, de Bhubaneshvar, voire de Konârak, les temples hoysala, édifiés aux XIIe et XIIIe siècles dans l'actuel État du Karnâtaka, constituent sans doute le joyau de la sculpture indienne. À Belûr, Halebîd, Somnâthpur, l'effervescence du décor sculpté prime sur la majesté de l'architecture. Les frises superposées, soutenues, au soubassement, par le long défilé des éléphants - symboles telluriques et gardiens des points cardinaux - font se succéder, en registres alternés, rinceaux végétaux, plantes grimpantes, lions cornus, monstres marins, scènes du Râmâyana et du Mahâbhârata, toute une cosmologie mettant en scène les éléments et les degrés de la création.
Prenant appui sur la frise supérieure et mises en valeur par le plan étoilé des temples, les effigies des dieux et des déesses offrent au regard leurs visages figés, leurs silhouettes massives et hiératiques, qu'enveloppe une profusion quasi infinie d'ornements décoratifs, diadèmes, tiares, colliers, guirlandes, en un tourbillon destiné à fasciner tant par leur outrance expressive que par leur fonction symbolique et religieuse, dont la représentation rituelle obéissait à des règles codifiées à l'extrême.
À la « danse cosmique » de l'impassible Shiva, au terrifiant Vishnu Narasimha, l'Homme-Lion éventrant le démon de ses griffes, à Durgâ victorieuse du démon-Buffle, à la sculpturale et provocante visha-kanyâ, la « jeune fille au poison », associée au serpent et au scorpion, qui,, tous, sont figurés selon ces canons consacrés, succède, en point d'orgue du livre, une séquence de pure beauté : « L'éblouissante variation, au mandapa du temple de Belûr, sur le thème du Beau féminin, qu'incarnent avec infiniment de grâce et d'éclat les beautés célestes surasundarî [communément désignées sous le nom
de madanakai] qui ornent de leurs ondoyantes silhouettes les consoles surmontant les chapiteaux des piliers extérieurs. » Là, jouant délicieusement des métaphores convenues liant la femme à la nature, selon les principes énoncés au Ve siècle par le poète Kâlidâsa, les artistes exaltent tous les composants du shringâra rasa, le sentiment érotique, nommé « roi des rasa », rasarâja.