David Chariandy a beau être né au Canada, une femme dans un restaurant éthique lui fait comprendre qu'il n'est pas ici chez lui. Même s'il a grandi dans ce pays pourtant réputé plus tolérant que les États-Unis, il y a été souvent traité de nègre.
Dans cette lettre ouverte qu'il adresse à sa fille de treize ans, il est question d'appartenance ; de ses ancêtres à lui, d'origines afro-asiatiques ; de son identité à elle, dont la mère est issue de la grande bourgeoisie canadienne blanche. Pas de hargne pour parler de la profonde blessure du racisme, mais une lucidité, une pudeur et une tendresse qui font de ce texte important une invitation à se déterminer librement : un véritable manifeste dans la continuité de James Baldwin.
« Y a-t-il des médecins parmi vos ancêtres ? » a poliment demandé ta grand-mère. Ma mère a jeté un coup d'oeil rapide à son mari. Mon père a fini de mâcher, a soigneusement essuyé sa bouche avec sa serviette en papier et a répondu : « Non. Pas de médecins. Nous étions en esclavage. »