Une île sans océan ? C'est l'humanité, à présent qu'elle s'est
débarrassée de tout grand Autre.
Comme si ne suffisaient pas la mort de Dieu, ainsi que
l'effondrement des grandes espérances sociales et de la
confiance aveugle en le progrès, l'humanité a cessé de
percevoir la présence naturelle et cosmique. Gigantesques
amputation et dénudation d'où résultent affaiblissement de la
vitalité créatrice, exténuation des valeurs, désarroi, errance,
règne du saccage et de la dérision, confusion. L'autisme de
l'espèce a pour conséquences l'autodestruction de la culture
et une décivilisation que l'on voit à l'oeuvre.
Paradoxalement, l'acosmisme est moins que jamais justifié : à
présent, nous savons que l'univers a une histoire prodigieuse
au point qu'elle devrait être au centre de notre culture,
celle d'un long, persévérant accroissement du complexe et
du divers, ascension qui ne fut rien d'autre qu'une montée
vers la conscience. De cet univers génial, qui est tout à la
fois la merveille et l'énigme, nous sommes partie prenante.
Nous et lui sommes complices. Le réenchantement ne tient
qu'à nous.