En 1992, le quatrième congrès international d'informatique agricole qui se tient à Paris se demande si l'informatique appliquée aux problèmes de l'agriculture n'est pas dans une impasse par manque d'utilisateurs. Aujourd'hui le bilan paraît nuancé. Les logiciels de comptabilité-gestion sont largement diffusés, même si le marché de l'informatique agricole reste très étroit. Par contre les logiciels d'aide à la décision, plus sophistiqués et plus complexes, restent encore au stade de prototypes élaborés par des laboratoires de recherche de haut niveau.
En partant du cas concret de l'informatique agricole, une équipe de chercheurs en sciences humaines a mené pendant deux ans une série d'enquêtes sur les conditions sociales de la diffusion des logiciels, sur les processus de décision des agriculteurs et sur l'émergence des nouveaux marchés de l'information, liés notamment au développement des systèmes d'informations géographiques. La conclusion est que la diffusion d'une innovation technologique en agriculture est autant liée à sa capacité à être mobilisée par les techniciens agricoles dans la "bataille du conseil" qu'à ses qualités techniques.
De façon plus générale, l'enquête confirme l'importance des phénomènes de construction sociale dans les processus de diffusion d'une innovation technologique. Elle montre aussi que la demande sociale n'existe pas en soi et qu'il ne peut y avoir de coïncidence entre l'offre de recherche et les utilisateurs potentiels, sinon à travers de multiples relais socio-techniques. Autant qu'une information sur les nouveaux enjeux du développement agricole et sur le rôle des conseillers, cette recherche propose des résultats qui constituent une contribution concrète à une anthropologie de l'innovation.